Page:Barbey d’Aurevilly - Les Romanciers, 1865.djvu/396

Cette page n’a pas encore été corrigée

on n’imite pas. De l’invention imitée, en effet, ne serait plus de l’invention, tandis que du style imité, c’est encore du style.

Du reste, cette tête indigente avoue très-bien sa pauvreté. « Je n’ai jamais écrit d’imagination, dit-il » ; — et plus loin : « J’avais besoin pour travailler d’infiniment plus de notions qu’un autre. » Et voilà qu’après avoir confessé son indigence intellectuelle, il se fait mendiant hardiment en sa Correspondance et quête, pour finir son livre, aux renseignements et aux détails. Manière de travailler qui, seule, le classerait à un rang presque subalterne, car l’Inspiration n’a pas pour procédé de tendre la main, quand cette main est celle du talent, ou le chapeau, qui est plus grand que la main, quand cette main est celle du génie !


IV

Ce n’est donc pas, malgré les ressources d’explication et d’interprétation de M. Charrière, un homme du premier ni du second ordre, que Nicolas Gogol, l’auteur des Ames mortes. C’est un écrivain d’imitation plus ou moins souple, plus ou moins délié, plus ou moins habile, imprégné plus ou moins des influences européennes, mais manquant, pour toutes ces raisons, du caractère de tout ce qui est supérieur en littérature : — la sincérité ! Il n’a pas la sincérité du talent, mais tout se tiendrait-il ?… A-t-il au moins l’autre, encore plus utile et plus nécessaire, cette sincérité morale