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comme meurent ici-bas la fidélité et la tendresse, quand on les a une fois blessées, a suffi pour l’intérêt du livre de M. Lawrence, et pour lui amener, captivées, toutes les imaginations.

Voilà pourtant la simple donnée de ce roman de Guy Livingstone, mais que son auteur a poussée à outrance, comme le dit le second titre de son livre et très-justement, car l’outrance y est sous toutes les formes, aussi bien dans la force violente ou stoïque que dans la délicatesse, puisque les sentiments délicats y font mourir ! aussi bien dans les peintures que sait oser une imagination si sauvagement amoureuse de l’énergie que dans la conception des autres personnages de ce roman, de si grande proportion humaine, et qui mêlent leur destinée à celle de Guy Livingstone. L’auteur ne s’est point épuisé dans le rendu prodigieux de la force physique et morale, de la force complète de son héros. A côté de Livingstone, le Titan des Titans, il y a des géants de sa race, qui ont comme lui des douleurs grandioses, des indolences superbes, des mépris pour ce qui les dévore, et qui mettent en action, et quelle action ! à tout propos, les vers sublimes du poëte : « Un soupir pour ceux qui m’aiment, un sourire pour ceux qui me haïssent, et, quel que soit le ciel au-dessus de ma tête, un cœur prêt pour tous les destins ! »

M. Lawrence a cela de particulier dans le talent, qu’il ne procède pas par contrastes, cette chose facile, et qu’il se sent assez robuste pour mépriser l’es ressources de l’antithèse. Dans cette société de dandys qui ont six pieds de haut et qu’il nous peint, M. Georges Lawrence nuance la force, mais une seule fois,