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Colomba et la Chronique de Charles IX, qui sont ses œuvres les plus longues, ne dépassent pas un volume. Son Théâtre de Clara Gazul en a plusieurs ; mais il se compose de beaucoup de pièces dont la plupart n’ont que l’étendue de ce qu’on appelle un lever de rideau. La double Méprise, Le Vase étrusque (l’œuvre que je préfère parmi toutes les œuvres de M. Mérimée) ne sont que des nouvelles. Carmen elle-même ne demande pas plus d’une heure de lecture, et il y a plus : comme en condensant, il obéit à la nature d’un esprit qui peut pincer avec des doigts nerveux, mais qui ne saurait étreindre à pleins bras, c’est le plus court qui vaut le mieux chez M. Mérimée, pour le connaisseur comme pour le public. En France, où l’on est si pressé et où l’on galvaude, en les galopant, toutes les sensations et toutes les idées, la brièveté des compositions de M. Mérimée a été une raison de plus dans ce vieux succès sur lequel il vit toujours et qui ne lui a jamais été marchandé. Une autre raison encore de ce succès chez le peuple de vaudevillistes, que nous avons le bonheur d’être, c’est la simplicité de la donnée de ces petits romans, tout en action extérieure, d’un sentiment brutal ou sinistre, et racontés avec cette impassibilité de roué qui aura toujours, en France, pays de vanité, un immense empire. Littérairement, en effet, M. Mérimée est un roué. Athée, comme on l’était au XVIe siècle et comme l’était Stendhal, son maître, il affecte la scélératesse dans le ton et ne serait pas fâché, j’en suis sûr, de passer pour un petit Borgia littéraire. Il veut la mort sans phrases en littérature, comme Fouché la voulait en politique ; mais en littérature il faut des