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homme qui commence de naviguer. Que l’influence de Stendhal ait été subie ou recherchée, il est de fait que l’auteur du Rouge et Noir a planté le cachet ineffaçable de sa personnalité sur la vie de l’auteur de Colomba et de Carmen. Intellectuellement, il lui donna de sa crudité verte, de sa puissance de réalité poignante et basse, de son athéisme affreusement net, et de son insouciance absolue de la moralité humaine. Dans la vie littéraire (il ne peut être question ici que de celle-là), il lui donna encore de ces petits procédés sans bonne foi, qu’on pourrait appeler les coquetteries de la publicité. L’auteur de La Guzla, qui nous apprend, dans la préface de la seconde édition de cet ouvrage, qu’il s’est amusé à mystifier le public en traduisant un livre qui n’a jamais existé, et qu’il a écrit de manière à ce que les plus savants de l’Europe y ont été pris, tout simplement pour l’avoir poudré, ici et là (Macpherson à trop bon marché !), de quelques mots illyriens, pris au hasard dans le dictionnaire, n’est pas plus un mystificateur sérieux que Stendhal, quand il signait ses articles du plus fin acier : COTONNET… Du reste, cette ressemblance avec Stendhal, qui saute aux yeux quand on lit M. Mérimée, confirme ce que nous avons dit, au commencement de ce chapitre, sur l’absence de vocation profonde en ce romancier de volonté et de parti pris… Un homme de vocation profonde n’imite personne. L’imitation peut être un culte, elle n’est jamais une vocation. Sans doute, il y a toujours, et souvent dans une très-large mesure, des analogies d’organisation entre l’imité et l’imitateur ; mais ces analogies d’organisation sont-elles assez