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dans le plus gras des pâturages. S’il exagéra quelque chose, ce fut une maigreur qui alla enfin jusqu’à la sécheresse. Lord Byron, qui craignait l’embonpoint physique, ne prenait que des biscuits et du soda water, et se mesurait tous les jours les poignets pour voir s’ils n’avaient pas grossi. M. Mérimée, qui n’avait pourtant pas à craindre l’embonpoint intellectuel, semblait appliquer à son esprit et à son style les expériences et le système de lord Byron… Si les sociétés de tempérance étaient possibles en littérature, M. Prosper Mérimée mériterait d’en être le président, et même le fondateur… Est-ce pour cette raison que le plus sec des critiques, Gustave Planche, de la Revue des Deux -Mondes, Gustave Planche, au nom providentiel, qui, en fait d’esprit, en était une, écrivit sur M. Mérimée ces articles inouïs qu’il ne recommença jamais sur personne ?… La planche avait-elle reconnu le bois dont elle aussi était faite, et se changea-t-elle en battoir pour mieux applaudir ?…

Ainsi, comptez ! Le bon moment pour naître, l’étonnant fanatisme, cela allait jusque-là, d’un critique célèbre, sans enthousiasme, mais, au contraire, habituellement difficile et hargneux, l’influence de la Revue des Deux-Mondes, aussi réelle alors qu’elle est nulle maintenant, tout, jusqu’à la rareté de ses publications, — rareté qui tenait même à la nature de son talent, — facilita la fortune littéraire de M. Mérimée. Une seule loi régit toutes choses. En littérature, c’est comme dans le monde. Si on veut faire beaucoup d’effet, il ne faut pas trop se prodiguer. Un livre de M. Mérimée devint un événement. D’ailleurs, indépendamment de l’Oracle