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est de la plus profonde immoralité, ce qui est faux — (il a répondu lui-même à ce reproche dans sa magnifique préface de La Comédie humaine, qui restera sur sa mémoire comme un bouclier de diamants), la Revue des Deux-Mondes a publié les romans de Balzac, — et ceux-là que M. Poitou accuse le plus de matérialisme, — et tout le monde sait que ce ne fut point sur une question morale qu’elle rompit avec l’illustre romancier. Aujourd’hui toujours Revue, elle veut vendre du Balzac mort et insulté comme elle a vendu du Balzac vivant. C’est double profit, on tire deux moutures du sac d’un homme : l’une de son écritoire, l’autre de son cercueil. D’un autre côté, la Revue des Deux-Mondes, cette Marianne parlementaire, cet arsenal académique de mécontents où les poltrons conspirent, n’a pas pu faire l’apologie d’un homme qui se souciait peu des académies, qui aimait le pouvoir et qui glorifiait Napoléon. Pour ce qui est de la haute moralité que la Revue des Deux-Mondes invoque dans l’écrit de M. Poitou, nous n’en rions pas. La moralité est une si grande chose que, même étroite, même injuste, nous savons encore la respecter. Tard venue, elle est la bienvenue ! Seulement cette moralité qui ne s’appuie pas aux idées positives et religieuses sans lesquelles, selon nous, toute moralité est une illusion ou un calcul, cette moralité ne nous satisfait qu’imparfaitement. Elle n’est qu’un progrès, mais il en reste encore à faire. Quand la Revue des Deux-Mondes dira le chapelet, nous vous avertirons !