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les mâles de la terre, même dans cette espèce supérieure de messieurs les valets !) ; mais les Mémoires d’une femme de chambre, quel livre supérieur par le sujet à tous les autres ! Quel plus excellent cadre de mœurs, de comédie humaine ou sociale ! Quelle satire possible plus amusante ou plus cruelle ! Quelle auscultation des vices et des hypocrisies du temps plus profonde ! Et notez que ce serait là un livre tout à fait nouveau, tout à fait digne du dix-neuvième siècle et des progrès du dix-neuvième siècle, car avant le dix-neuvième siècle un pareil livre était impossible.

Il n’y a que dans un temps comme le nôtre, épris et raffolant d’égalité, qu’un livre intitulé : les Mémoires d’une femme de chambre pouvait promettre et donner les jouissances démocratiques les plus vives aux esprits qui sont friands de ce genre de jouissances… Il n’y avait que dans un pareil livre qu’on pouvait rabattre — joliment et bien ! — l’orgueil des maîtres, — la plus grande ennemie d’une femme quelconque étant naturellement sa femme de chambre, de cela seul qu’elle l’est.


III

Et de fait, ce n’était certainement pas au dix-septième siècle, ce n’était pas même au dix-huitième, que des Mémoires de femme de chambre — du moins de ceux-là que j’osais rêver, et qu’après le livre que voici j’ose espérer encore de mon temps — pouvaient jamais être écrits. Au dix-septième, et même au dix-huitième, on avait des serviteurs ignorants et fidèles, et