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cet ordre la cocarde d’aucune critique. Puisque dans ce singulier monde de la publicité, c’est le bruit qui est tout, et non pas ce que le bruit signifie, il convenait de ne pas gratifier un livre pareil d’un bruit quelconque, même en disant ce qu’on en pensait, et je rengainai mon opinion… qui n’était pas un compliment. Je fis comme le bonhomme Fontenelle. J’avais une vérité désagréable dans la main, et je l’y gardai.

Mais à présent je vais la rouvrir ! Le succès du livre s’est fait sans moi. Le succès de bruit, entendons-nous bien ! qui est, du reste, le vrai succès pour la vanité, quand on n’a ni fierté, ni délicatesse ; et par cela seul me voilà obligé de parler. Les lecteurs de ce livre auraient le droit de me dire : « Pourquoi ne nous parlez-vous pas de ces Mémoires d’une femme de chambre dont on a tant parlé partout ?… » Car c’est la vérité, on en a parlé ! La plus haute société n’a point dédaigné de lire ce livre bas… On a respiré avec avidité cette petite infection comme une cassolette, et on a trouvé que cela sentait presque bon… Ah ! les nez charmants qui ont trouvé cela doivent avoir de fiers polypes ! La société qui lit avec plaisir des productions de cette espèce a certainement quelque infirmité… Ce n’est plus, cela, simple affaire de littérature. C’est plus grave. C’est affaire de mœurs.


II

Les Mémoires d’une femme de chambre ne sont, en somme, qu’un pamphlet sous forme romanesque, — un