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et la couleur, à très-grand’peine, et il s’est trouvé avoir fait un livre tout en réminiscences et sans personnalité virtuelle ! M. Gautier revient à chaque pas, dans son roman du Capitaine Fracasse, sur l’impression si connue que causent les vieilles tapisseries que le vent remue, que la lune éclaire et que l’ombre noie, dans les salles vides des châteaux déserts. Eh bien ! son livre d’aujourd’hui nous donne des impressions du même genre. Seulement ces impressions ne se traduisent pas de la même manière. Pour les personnages du roman, ce peut être le froid de la terreur ; pour le lecteur, ce n’est que le froid de l’ennui.

Ainsi, comme je l’ai dit déjà, l’absence d’une originalité vivante et le manque absolu de forte invention, voilà les deux décourageantes sensations que vous donne, dès ses premières pages, ce roman du Capitaine Fracasse, et qu’il vous continue par la suite ! Effet ordinaire du contraste ! Savez-vous à quoi je pensais en lisant ce livre qui a la prétention d’être un livre écrit dans l’esprit et pensé dans la langue d’un temps qui n’est plus ?… Je pensais, devant la défaite, tout naturellement à la victoire. Je pensais aux Contes drôlatiques de Balzac. Balzac aussi, comme M. Théophile Gautier, eut un jour la fantaisie d’art de faire un livre du passé dans le style du passé, et, dans le passé, il prit, pour se couler tout vivant dans son génie, le plus difficile génie auquel l’imitation pût atteindre.

Balzac eut l’incroyable puissance de se planter sur les épaules la tête de Rabelais, et même d’un Rabelais supérieur à Rabelais de toute la force de l’idéalité et du pathétique, que l’auteur du Pantagruel n’avait pas !