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il n’a vu presque qu’une facette. Peintre de genre, dit-il (est-ce une insolence d’éloge ou une perfidie ?), c’est par la peinture de genre qu’il vivra, s’il vit, ce peintre effrayant de nature humaine, de société, de caractère, d’histoire, qui allait être encore un peintre de batailles, s’il n’était pas mort ! Quand M. Poitou a dit cela, il a tout dit. Il a fait sa justice. Seulement c’est lui qui est jugé. Ce n’est pas Balzac.


V

Voilà l’homme cependant que la Revue des Deux-Mondes a choisi pour faire son 3 Nivôse contre le génie impérial de Balzac ! Voila le critique, exécuteur de ses hautes œuvres littéraires, qu’elle a chargé de décapiter, à froid et après la mort, un grand homme d’esprit qu’elle n’aurait pas touché vivant. Le bourreau qui trancha la tête au duc de Monmouth s’y reprit à quatorze fois, nous dit l’histoire. M. Eugène Poitou a dû se reprendre bien des fois aussi en écrivant ces pages malheureuses. Il frappe, comme il peut, ses quatorze coups sur le talent et sur l’homme ! et sur la moralité de son œuvre ! et sur la grossièreté de ses instincts ! et sur les exigences de son tempérament ! et sur la pestilence de ses succès ! et sur le danger de ses influences ! et sur l’avenir de sa renommée ! Il frappe, mais ce n’est pas d’une hache. Bourreau à plume, la sienne ne coupe pas ! Malgré sa résolution déclamatoire, malgré son désir de briller désormais comme une lâche sur la mémoire de Balzac, M. Eugène Poitou