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sur laquelle je ne comptais pas ! Telle est la force du préjugé et encore plus des relations, chez un peuple qui croit peut-être toujours au mot de Lafayette : « L’insurrection est le plus saint des devoirs, » mais qui ne l’admet pas en littérature. Eh bien ! franchement, je dis que pareille chose passe la permission. Je dis que, si on se permet de telles fins de non-recevoir dans l’examen des œuvres littéraires, nous n’avons plus le droit de rire du vers de Boileau :

Attaquer Chapelain ! Mais c’est un si bon homme !

et qu’il est plus que temps, pour l’honneur de tous, d’en finir avec ce capitonnage dérisoire du même mot qu’on répète contre la Critique, surtout quand il s’agit d’un homme qui ne demande pas quartier, lui, et qui a bien assez de talent pour entendre une fois la vérité, — ce qui le changera !

Or, la vérité, — du moins pour moi, — c’est que ce livre, si longtemps attendu et présentement si exalté du Capitaine Fracasse, n’augmentera pas de beaucoup la renommée de M. Théophile Gautier. Annoncé il y a trente ans et pendant les années qui suivirent, commencé, abandonné, repris, le Capitaine Fracasse ne semble avoir été achevé par son auteur que pour n’en pas avoir le démenti, comme dit l’expression populaire. L’amour-propre de l’homme a voulu tenir un engagement de jeunesse, et de toutes les conditions qui puissent être faites à l’inspiration, je n’en connais pas de plus triste. L’inspiration est quelque chose de si intense qu’elle n’interrompt guère son travail. Elle peut mettre du temps à le faire et à