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types », quand le prodigieux créateur en a fait jaillir de sa tête quelque chose comme un millier, M. Poitou veut bien convenir pourtant que l’auteur de La Comédie humaine a de la vie, comme si la vie n’était pas la qualité suprême, comme si l’avoir et la donner n’impliquait pas ce qu’il y a de plus important dans les arts ! Toujours attiré par les idées vulgaires, et Mouton de Dindenaut en critique, M. Poitou ne se hasarde guère que là où les autres ont déjà passé. Il ne doit pas manquer de revenir sur le luxe descriptif de Balzac, l’horreur des pauvres et des superficiels, et il y revient ! Il prend ce luxe pour un excès, et c’est une manière ! — la manière d’un homme assez épique de facultés pour harmoniser une création derrière un personnage qu’il veut mettre en saillie, et faire tourner toute une civilisation autour de lui ! La même erreur se reproduit à tout bout de champ dans l’analyse à contre-sens que fait M. Poitou des nombreuses qualités de Balzac : ou il les transforme en défauts, ou il les méconnaît, ou il les oublie. L’esprit de Balzac, par exemple, s’en doute-t-il ? Où en a-t-il parlé ?… Selon nous, ce qui range à part le génie de Balzac parmi les autres génies contemporains et européens, c’est l’esprit, cette faculté perdue que je nommerais volontiers anti-dix-neuvième siècle, tant elle est rare à cette époque, même dans les talents réputés les plus grands ! C’est cette note riante, sonore et comique, qui court partout dans l’œuvre éclatante et profonde et qu’on retrouve perlant tout à coup dans les endroits les plus mélancoliques, les plus passionnés et les plus touchants. M. Poitou n’en dit pas un mot. De ce grand génie multiface qu’on appelle Balzac,