Page:Barbey d’Aurevilly - Les Romanciers, 1865.djvu/309

Cette page n’a pas encore été corrigée

docteur Quérard se prend d’un amour qu’il faut bien appeler incestueux. Je l’écris donc, ce mot-là, sans aucune pruderie. D’ailleurs, si ma morale, qui n’est pas mienne, mais celle de Notre Seigneur Jésus-Christ, paraît duriuscule à d’aucuns, ma poétique a quelque hardiesse.

Ma poétique est que le droit du romancier et du poëte est de tout peindre en s’y prenant bien. Je ne crains pas plus l’inceste qu’autre chose dans un roman courageux, écrit pour les forts, et qui pourrait être d’une terrible et accablante moralité ! Seulement, pour le risquer, il faut avoir dans des proportions exorbitantes ce qui manque à M. Bataille, et même à M. Rasetti, mais principalement à M. Bataille, que je n’ai pas suivi dans les bois réels, mais dans le livre d’aujourd’hui, et qui, je l’ai dit, ne me fait pas l’effet d’avoir une autre morale que les Faunes pétulants dans le fond des bois !

Ainsi l’inceste, l’adultère en famille, avec ses transes, ses infamies, ses lâchetés, ses intimités haletantes, ses horreurs de toute espèce, voilà le sujet du livre de MM. Bataille et Rasetti. Sujet épouvantable, qu’il fallait toucher avec les mains pures, passées au charbon d’Isaïe, d’un artiste consommé. Ce ne sont pas là les quatre mains de ces messieurs. J’en connais deux parmi ces quatre, et je vous jure que le pouls y bat trop vite, que le sang les infiltre trop, que la passion y met des tremblements trop convulsifs pour avoir cette domination et cette sûreté des mains pures qu’ont les grands artistes, quand ils touchent à des sujets ardents et fangeux.

Le docteur Quérard a pour sa belle-sœur la passion qui