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ces gens-là, il y a toujours de la ressource. Ils vont devant eux, ventre à terre, sautent de côté, se cabrent, se renversent, se retournent de tête à queue, mais ils se retournent ! La violence est presque toujours doublée en eux d’une magnifique élasticité. Eh bien ! qu’il me le pardonne, M. Bataille ! je compte là-dessus. Son tempérament nous délivrera peut-être un jour des abus de son tempérament, car M. Ch. Bataille, s’il n’y prend garde et s’il ne se met en défense, c’est l’invasion de l’esprit par le tempérament ; et, déjà, attention ! La prairie est couverte ! Il faudrait endiguer !

Voulez-vous une jolie anecdote ? M. Paul Féval, le romancier, M. Paul Féval, que j’appelle la clef des cœurs par l’ironie, répondit à l’envoi de l’Antoine Quérard, que lui avait adressé M. Bataille, par ce seul mot Spartiate « taureau ! » et rien de mieux dit. En un seul mot, c’est toute la critique de ce livre très-ardent, très-mugissant, très-terrible, mais aussi très-animal. Hélas ! trop animal ! L’auteur, qui a sa fierté après tout, a beau se mettre de la famille de Noé vis-à-vis des animaux de l’arche, purs ou impurs, il est englobé, à tout instant, par eux. Il ne lui reste d’homme que ce qu’il en faut pour manier une plume et pour raconter les amours des diverses espèces, car de personnes humaines dans son livre, avec leur libre arbitre et leur équilibre, il n’y en a point. Il n’y a que des instincts, des fièvres, des fureurs utérines, des hystéries, en somme, des animalités !

L’amour, comme le conçoit M. Bataille, n’est pas simplement une passion dans laquelle le physique déborde l’âme et l’entraîne, à la fin. Non ; c’est de prime