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autant que de la nature physique ; c’est de plus un esprit analytique des plus perçants, qui a introduit l’analyse jusque dans la peinture, sans que la peinture soit morte du coup ! M. Charles Bataille, au contraire, est un jeune homme d’une ardeur extrême, que je vais tout à l’heure caractériser.

M. Flaubert a réfléchi et léché dix ans, et peut-être plus, son fameux livre de Madame Bovary, publié tard dans la maturité de sa vie et mûr comme elle. M. Charles Bataille a fait le sien impétueusement, de compte à demi avec un autre esprit (bah ! qu’est-ce que cela fait, pourvu qu’on produise ?), il a fait le sien comme il doit faire tout, cet homme aux cheveux fauves, à la face sanguine, au nez relevé du chien de chasse qui aspire le vent ! Parmi les choses positives, dont la résultante est le talent d’un homme, il n’y a rien de commun entre M. Flaubert et M. Bataille, mais il y a les négations !

C’est surtout par les négations qu’ils se ressemblent. Ni l’un ni l’autre n’a de philosophie, et ils doivent même, l’un et l’autre, en avoir le mépris. Leur principe, à l’un et à l’autre, doit être de n’avoir pas de principes, et s’ils ont des conclusions dans l’esprit, — or, le moyen de ne pas en avoir ? — de ne point les mettre dans leurs livres, sous prétexte d’art bien compris. Ainsi encore, ils n’ont pas d’idéal et ils ne se doutent point que l’idéal est dans la chose la plus vulgaire et la plus aimée d’eux, parce qu’elle est vulgaire, et qu’il ne s’agit que de l’en faire jaillir ! L’un et l’autre, pour être plus réels (croient-ils), ils oublient la réalité la plus profonde, celle de la poésie, ancrée dans le fond du cœur de toute chose. Disons le mot affreux, poussé à présent