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vie contre les réfractaires qui s’obstinent à vouloir être ce qu’ils sont, et dites-vous si le massacre n’est pas organisé, — de haute lice et de nécessité, — et s’il n’est pas besoin d’une force intellectuelle redoutable pour ne pas périr au moins dans quelques parties de son âme et de son talent ? Eh bien ! non-seulement Balzac n’a pas péri, mais il a fondé une de ces choses que lui seul eût pu débâtir, et que la Postérité, moins artiste que lui, respectera. Cette observation qui expliquerait Balzac et ses défaillances quand il en eut, M. Eugène Poitou ne l’a pas faite. Aussi, après avoir oublié l’homme dans Balzac, avec sa virtualité et les circonstances, et tout ce qui rend l’illustre auteur de La Comédie humaine plus monumental que son monument, M. Poitou dépense-t-il tout son temps et tout son effort à chicaner stérilement les détails qui se heurtent, à ce qu’il semble, quand on les voit pièce à pièce, et qui se fondent et s’harmonisent, quand on les regarde de loin et de haut. Il ne faut pas s’y tromper : les contradictions de doctrines, d’inspirations et d’idées, que M. Poitou a relevées dans quelques fragments épars de La Comédie humaine, ne viennent guères que de sa propre manière de regarder, et à ces contradictions, qui sont le résultat d’une faiblesse d’yeux, impuissants à embrasser un ensemble et une perspective, le critique ajouté ses contradictions et ses titubations à lui-même. Ainsi, par exemple, il blâme en Balzac le portraitiste, ce qu’il admire dans Saint-Simon. Ainsi encore, après avoir refusé à peu près tout à Balzac, après lui avoir reproché « la stérilité d’invention », à cet homme qui a produit plus que Walter Scott, et la reproduction des mêmes