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à des effets de terreur écrasants ! La scène où il décrit les symptômes du somnambulisme est courte. C’est un éclair.

Évidemment, au dix-neuvième siècle, avec l’influence physiologique qui pleut sur nos têtes, avec l’empoignement de l’Imagination publique par ces questions de magnétisme contre lesquelles les plus forts d’entre nous vont à chaque instant se cogner, évidemment les romanciers et les poëtes (dramatiques ou non dramatiques) devaient avoir une autre manière de toucher à cette corde mystérieuse du système nerveux humain, dont le génie de Shakespeare a tiré une vibration si déchirante, rien que pour l’avoir effleurée ! Cela n’a pas manqué : nous avons eu Balzac. Balzac a mis sa grande main d’organiste savant et inspiré sur tout le clavier de nos nerfs, tant éveillé depuis Shakespeare ; il a frappé plus longtemps et plus largement où le doigt de Shakespeare n’avait fait que pointer ce terrible accord qui s’en ira, retentissant, glacer la moëlle de tous les siècles ; mais hélas ! ce que nous avons entendu n’était plus si beau !

Tenté par toute voie d’invention nouvelle, Balzac, l’innovateur, a, dans un de ses derniers romans [1], un roman de sa maturité, fait un emploi tout moderne du somnambulisme, et malgré sa puissance d’illusion, malgré le don qui était en lui de vivifier des chimères, il a troublé l’harmonie d’une de ses plus délicieuses créations. L’intérêt humain du roman a expiré, perdu dans la curiosité pathologique d’un descripteur de phénomènes inouïs, qui, s’ils contractaient un jour l’éternelle

  1. Ursule Mirouet.