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le Balthazar Claës de sa Comédie. Il ne devint as fou, niais il mourut à la recherche de son roman philosophal dans une grandeur immense, et nécessairement incomplète, car pour cadre à l’œuvre qu’il avait rêvée, il lui eût fallu l’infini !



IV

C’est ce Balzac enterré sous sa pyramide inachevée que M. Eugène Poitou n’a pas saisi à travers la lettre resplendissante d’une œuvre inouïe. Cette lettre que le critique discute petitement, il n’y a évidemment rien compris. Cependant les succès de Balzac, ses influences sur notre génération littéraire et sociale, l’irradiation de plus en plus vaste et lumineuse de sa renommée, auraient dû avertir M. Poitou et lui donner à réfléchir. Au crible du Temps, les hommes sont rares ; ceux qui peuvent s’imposer comme tels. Leurs ouvrages aussi se clairsèment. Peu d’œuvres dont nous ayons été charmés à une première lecture savent résister à une seconde. Ajoutez à cela les mille angoisses que connut Balzac, le plomb des exigences de librairie, les tyrannies des marchands érigés en Mécènes, les Fourches Caudines sous lesquelles sont obligés de passer les plus fiers écrivains, l’inspiration que l’on chasse et la commande que l’on fait, les instincts bas dont les colporteurs de littérature risquent le plaidoyer, l’argent à la main, pour tenter la faim qui doit prêter l’oreille, malgré le proverbe, enfin la levée de boucliers des esprits sans lumière et sans