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pour la fermeté de sa pensée. C’est un positif de raison comme de style, qui, à force de positif, a la main gourde dont parle Montaigne. S’il n’est pas grossier, il est gros, et voici quelques-unes de ses grosseurs : « Elle avait été désirée (dit-il en parlant de Marguerite), et elle avait désiré elle-même. — Sa chair brûlante et impatiente voulait enfin jouir ! — Le mot amour lui paraissait de feu et la robe de Marguerite de plomb. Il n’osait prononcer l’un et se sentait trop faible pour relever l’autre. »

Cela n’est pas mâché, comme vous voyez, et on sait que nous ne sommes pas prude, mais nous demandons humblement, soit un peu de poésie, soit un peu de passion, pour faire passer ces franquettes d’expression qui, à froid, et dites comme cela, sont insupportables. Du reste, au milieu de ces étranges nettetés, on trouve des inexpériences et des gaucheries de nature humaine qui indiquent dans M. Malot une grande innocence de pensée. « A-t-elle ma beauté ? A-t-elle ma corruption ?… dit Marguerite à Maurice en parlant de la jeune fille qu’il épouse. » Eh ! quelle corrompue a jamais parlé de sa corruption, à bout portant et comme un ignoble avantage ? Les corrompues de M. Malot mettent trop de corruption comme on met trop de rouge, et le novice observateur manque son effet, pour vouloir en faire trop.

La préoccupation de ce malheureux livre, où il y a de l’étude et parfois du style, mais rien de sincère, de franc et de naïvement emporté, la préoccupation se trouve partout, c’est la manie de faire de l’école hollandaise, de cette école hollandaise transportée dans la littérature, et qui les perdra tous, ces romanciers sans