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III

Quant au style, il est évident que l’auteur des Victimes d’amour est de cette école qui part de Stendhal, qui partait lui-même de Voltaire, passe par M. Flaubert et croit être précise et positive, parce qu’elle est exacte avec une minutie atroce et d’une sécheresse strangulante, malgré tous les efforts de sa couleur. Ces efforts sont grands. M. Malot n’aurait pas de duel, lui, pour la cime indéterminée des forêts. Mais il n’aurait pas non plus ce fondu de nuances, qui se sert de l’expression abstraite pour peindre mieux. Lui peint cru et implacablement tout, jusqu’aux collets rouges des facteurs de la poste (page 140) ; il colorie avec acharnement ses daguerréotypes des moindres accidents vulgaires, mais c’est un photographe sans soleil ! Prenez la mort et l’enterrement de la mère de Maurice Berthaud, et le mariage et la procession au pardon de Saint-Guin, vous avez la relation sèche et la nomenclature d’une gazette.

Il est vrai que M. Malot ne semble guère avoir le sens des grandes cérémonies catholiques, inépuisables de poésie attendrissante et profonde. Est-il même catholique, ou est-il philosophe ? Telle est la question qu’on se fait, soit en le lisant, soit après l’avoir lu… M. Malot a eu la force d’écrire quatre cents pages sans nous révéler ce secret, mais le silence qu’il garde le trahit plus que s’il avait parlé… C’est un positif qui doit trouver le christianisme bien vague