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de M. Malot), femme à sa manière et de l’espèce la plus méprisable, retourne à sa vile coquine de maîtresse, n’avons-nous pas vu, — et bien ailleurs encore, l’esclavage insensé d’un cœur lâche, empoisonné pour jamais par cette première passion que notre vie a bue, comme une éponge, et dont on peut dire avec la chanson grecque : « J’ai craché sur la terre, et elle est tout empoisonnée ? ».

Dans une époque comme la nôtre, sans force de principe et sans force de volonté, je sais bien que ce misérable type d’homme ou de femme à deux amours, indésouillable du premier, ayant pris corps avec cette fange, est le type commun et presque universel ; que c’est le cri du sang, de ce sang que nous avons gâté, et que de son temps tout romancier, qui en porte le joug comme un autre homme, peut jeter ce cri à son tour ! Seulement il faudra, pour qu’on écoute et qu’on frémisse, qu’il soit jeté avec une profondeur d’accent, une âpreté de rugissement qu’on n’avait pas encore entendue ?… Est-ce le cas ici pour M. Malot ?

Le sujet accepté ou subi, car le talent, cette vibration, c’est parfois la vibration d’un horrible coup qui nous fut porté, le sujet accepté ou subi, l’auteur a-t-il au moins varié le sujet tombé dans sa tête, qui n’a pensé que sous le coup qui l’a frappée ? N’avons-nous pas vu plus travaillées et plus rutilantes qu’ici les éternelles antithèses de la femme de vingt-sept ans et de la jeune fille de dix-sept, de la femme qui sait et de la jeune fille ignorante, de la brune enfin et de la blonde, pour que la physiologie, sans laquelle nous ne pouvons vivre même littérairement, y soit ?