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II

Voyez plutôt ! — II s’agit d’amour dans le livre de M. Malot, — et son roman doit être, à son titre, quelque chose comme une trilogie, quoiqu’il ait oublié de nous en avertir, ce qui n’est pas un oubli de préface, mais un oubli de composition : — il s’agit donc d’amour ; mais est-ce un côté inexploré de ce sentiment, qui est l’infini dans nos âmes, que M. Malot a cherché et a découvert ? Nous a-t-il montré une maladie à formes nouvelles, une affection ou une combinaison inattendue d’affections, dans ce terrible principe morbide omnipotent et menaçant que nous portons dans nos poitrines et que nous appelons notre cœur ? Ses Victimes d’amour, — titre tragique et presque grandiose dans sa simplicité, — ne sont-elles que les mêmes victimes que nous avons vues tant de fois égorgées, de la même manière et avec le même couteau, ou, sacrificateur inspiré, M. Malot a-t-il innové dans le sacrifice ?

N’avons-nous pas vu déjà, — et faut-il donc dire où ?… — ces combats d’âme faible et violente entre deux amours, revenant du second au premier, hélas ! de manière à faire croire qu’il n’y a peut-être qu’un amour dans la vie, et que l’être tombé dans ce feu ne se cicatrise jamais et garde des blessures inextinguibles ! Depuis Oswald, qui, dans Mme de Staël, ne sait plus celle qu’il aime de Corinne ou de Lucile, jusqu’à la femme de Leone Leoni, qui retombe toujours à son vil coquin d’amant, comme Maurice Berthaud (le héros