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de nous en donner, la pudeur, toutes les pudeurs, la compassion, toutes les compassions, la compassion pour Lui, et même pour Elle, le respect du passé, de la mort, de l’irrévocable, la peur enfin de son immortalité d’écrivain, si elle a la faiblesse d’y croire, tout devait l’arrêter, la troubler, lui faire jeter sa plume terrifiée. Mais si ce n’était pas une étude ! Si le scandale qui glose a raison (et l’on fait croire qu’il a raison quand on intitule son livre Elle et Lui, au lieu de Laurent ou Thérèse !)………..

Eh bien ! où allons-nous ? Quelle voie ouvrez-vous ? Que va devenir la littérature ? De quels livres, de quelles escopettes ne sommes-nous pas menacés ?… Tout le monde voudra vendre après la mort la peau de quelqu’un, en l’étiquetant de manière à la reconnaître et sans dire brutalement : « C’est la peau de Monsieur tel ou de Madame telle, avec qui j’ai été si bien. » Nous marchons déjà sur cette pente.

L’autre jour, un autre bas-bleu, très-inférieur à Mme Sand, proposait à un directeur de journal de lui faire une autre Elle avec le même Lui. Ah ! nous en aurons des Elle et Lui, des Lui et Elle, des Elle sans Lui et des Lui sans Elle ! et nous n’en finirons jamais, dans cette époque philanthropique et humanitaire, qu’en faisant le livre de « Tous ensemble », qui serait peut-être le plus vrai et le plus triste de tous !