Page:Barbey d’Aurevilly - Les Romanciers, 1865.djvu/262

Cette page n’a pas encore été corrigée

on par un autre roman encore ?…), une chose effroyable dont personne de nous ne se doutait, c’est que le roman actuel de Mme Sand, le malheureux Alfred le prévoyait… qu’il l’avait porté toute sa vie sur son cœur comme une arme qu’on ne devait décharger contre sa mémoire que quand il ne serait plus là pour tirer à son tour et rendre le coup…

Mais si cela fut, et si l’opinion présente accepte une telle assertion, comme tout le reste, ce n’est pas qu’il y ait dans le livre de Mme Sand de ces pages, belles d’outrance, qui ajoutent par l’intensité du ressentiment ou l’atrocité de la haine, — de cette haine, après l’amour, qui est peut-être de l’amour encore, — au poids accablant de la formidable déclaration de M. Paul de Musset. Non pas ! Tout au contraire ! Mais c’est que la célébrité, la scandaleuse célébrité du poëte des Nuits et de l’auteur de Lélia, qui mêla un jour l’éclat des fautes à l’éclat du talent, fait malheureusement tout croire et tout admettre avant d’avoir rien discuté !

Quant au livre même d’Elle et Lui, — il est vrai que l’auteur a eu le temps de le combiner (dame ! depuis vingt-cinq ans !) et de distiller, si on dit vrai, sa goutte de poison homicide, — nous venons de le lire avec soin, et nous pouvons bien affirmer que sans la célébrité et l’intimité trop publique de Mme George Sand et d’Alfred de Musset, qui donnent à tout des significations terribles et qui auraient dû, en fierté, en délicatesse et en pitié, puisqu’elle s’en targue, de pitié, l’empêcher d’écrire ce livre d’Elle et Lui dont elle croit orner son déclin, il n’y aurait ici qu’un roman triste, en soi, ni meilleur, ni pire, ni plus nouveau