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mais n’a pourtant pas empêché le style de son livre d’être, dans son ensemble, d’une solidité de trempe, d’un acéré de fil et d’une clarté profonde, dont M. Champfleury, le titulaire du Réalisme, ne se doute même pas !

C’est qu’au fond M. Champfleury, pour son jeune séïde, n’est pas si prophète qu’il en a l’air ; c’est qu’il n’est dans les œuvres de M. Duranty que pour l’idée et pour l’étiquette, pour la discussion et la dédicace ; c’est que M. Champfleury n’est que le scandale, la botte de foin qui fait étendard, et que, pour cette raison, on ne consomme pas et qu’on respecte, tandis que la véritable idole et le vrai modèle que M. Duranty a dû étudier discrètement, mais profondément, c’est Stendhal, ce père de tous les réalistes, qui cravacherait ses bâtards s’il revenait au monde et qu’il pût les voir, et c’est encore plus que Stendhal, M. Gustave Flaubert, qui a bien mis le bout de sa botte dans le réalisme, mais dont la tête artiste et savante aspire à des sphères d’observation plus hautes que celles dans lesquelles il a jusqu’ici limité et contenu son genre de génie [1] !

Tels sont les mérites, fort saillants à la première vue, de M. Duranty, et je les dis d’abord, parce que je vais être sévère tout à l’heure. C’est un écrivain rencontré dans une École qui ne sait pas écrire et qui, pour cette raison-là, mais seulement pour cette raison-là, vaut mieux qu’elle. Pas plus que Stendhal, cependant, qui s’applique trop à être sec, pas plus que M. Flaubert, dont la plume ressemble à une fine pince

  1. Hélas ! aspire-t-il encore après Salammbô ?