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comme Voltaire, parce qu’il se moque de la vraisemblance, de nous et de lui-même, avec un entassement d’événements impossibles et en nous ouvrant sous le nez trente-six tabatières à surprises. Par parenthèse, c’est là qu’il parle, je crois, à propos d’un apothicaire, « du harnais de la thérapeutique », et voilà comme il porte, lui, le harnais de la légèreté, cet étrange faiseur de Décamérons !


IV

Il est donc évident qu’il n’est point un Boccace, qu’il n’a aucun des dons exquis de ce roi des conteurs dont le style tient de la musique et l’imagination de l’arc-en-ciel. M. Charles Didier est un conteur à événements qui a l’habitude de la plume, mais il n’a jamais eu, ce prosateur, d’étoffe ferme et étoffée, dans l’imagination ou dans le style, ni les enchantements passionnés ou rêveurs, ni les belles indolences d’attitudes ou les vivacités éprises, ni les grâces armées et désarmées de la causerie ou du récit, ni les gaietés d’alouette dans un ciel heureux, ni les mélancoliques lenteurs des cygnes sur les bassins tranquilles, que doivent avoir, pour réussir dans la pensée et le langage, les peintres ou les poètes des Décamérons ! Les Amours d’Italie, ce titre qui faisait rêver, ne fera plus rêver personne quand on saura qu’ils ont été écrits par M. Charles Didier, l’ancien écrivain de la Revue indépendante, comme ils auraient pu l’être par un feuilletoniste de l’école de M. Alexandre Dumas.