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pittoresque et littéraire de l’Italie, haillons en poudre qu’une main distinguée ne touche plus et dédaignerait de remuer, mais sous lesquels l’œil fin aperçoit des réalités sociales et individuelles de l’intérêt le plus attachant et le plus vif, — comme celles-là, par exemple, que, dans sa Chartreuse, Beyle a su peindre avec génie, mais qu’il n’a pas épuisées. Il en reste encore aux observateurs. M. Didier ne s’en est pas douté. Dans les dix nouvelles, c’est-à-dire dans les dix Amours de son recueil, on cherche une figure lombarde, florentine ou romaine, une figure italienne, n’importe où, qui ait la vie de cette Gina de la Chartreuse, la Monna Lisa d’Henri Beyle, qui, à elle seule, vous apprendrait tout un pays !

Mais M. Charles Didier n’a point de ces touches. Il a de l’invention dans les faits, mais on est plus poëte en découvrant et en peignant ce qui est dans la société ou dans la nature qu’en inventant des événements et leurs tintamarres de complications. Ajouter des faits à des faits, ce n’est pas plus de l’imagination que d’ajouter des zéros à des zéros. Le premier venu est taillé pour cette besogne-là. Dramaturge peut-être de vocation inécoutée, transporté dans le roman, qui est l’histoire des nuances, M. Didier s’y conduit… comme un dramaturge. Qu’il aille faire de l’Italie à la Porte-Saint-Martin ou à l’Ambigu, il pourra là trouver, dans ces grands bouges intellectuels, des gens qui disent : « Comme c’est ressemblant, cette Italie ! » Mais ailleurs, non ! M. Charles Didier a quelque chose de robuste et de vulgaire dans le talent qui conviendrait, je crois, très-bien au mélodrame, mais c’est cela précisément ce qui l’empêchera