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prince russe, un colonel suisse, un conseiller aulique allemand, un abbé espagnol, un géologue suédois, un agronome hollandais, un commerçant de Boston, un touriste anglais, et enfin (quelle jolie et patriotique manière de représenter la France !) un commis-voyageur français ! C’est un échantillon du monde entier, du monde civilisé du moins. Dans ce loisir d’une halte forcée au couvent qui leur a servi de refuge, la comtesse, qui est la seule femme de la troupe et qui s’en croit la reine, d’après l’antique loi de la galanterie française imposée à l’Europe, et dont M. Didier nous a modulé les derniers marivaudages, la comtesse ordonne à ces messieurs de raconter chacun son histoire, sous l’expresse condition cependant que cette histoire sera une histoire italienne, ayant sa scène en Italie. Telle est la combinaison première et fondamentale du livre de M. Didier.

Certainement elle ne lui aura pas coûté des efforts de tête bien formidables. Rien de plus simple, dans le plus mauvais sens du mot, et, comme vous le voyez, de plus vulgaire, que le prétexte à conversations et à récits, découvert par l’auteur des Amours d’Italie, et qui n’a d’autre originalité de détail que ces huit mille pieds innocents au-dessus du niveau de la mer dont M. Didier paraît si aise et presque si fier. Qui sait ? le vertige prend à ces hauteurs. Après s’être cru un Boccace, M. Didier se croit peut-être le Humboldt de la nouvelle pour avoir perché les siennes aussi haut. Dans ses Amours d’Italie, M. Charles Didier n’est, en effet, qu’un faiseur de nouvelles qui a voulu relier des récits divers les uns aux autres dans l’encadrement d’