Page:Barbey d’Aurevilly - Les Romanciers, 1865.djvu/226

Cette page n’a pas encore été corrigée

au billard manque la bille pour avoir voulu la prendre trop fin.

Et cependant, il n’y a pas d’autre façon de l’entendre : les Aventures parisiennes sont à peine des faits extérieurs ; ce sont des sentiments qui rident ou agitent les surfaces de l’existence, puisqu’on en souffre et qu’on en meurt : mais ce sont des sentiments dont l’âme est le théâtre encore plus que la vie, en ces récits qui semblent profonds et qui sont à peine appuyés ! Les cinq nouvelles de M. Deltuf sont, en fin de compte, de la psychologie romanesque. M. Deltuf, que je ne connais pas, mais que je crois un jeune homme à la jeunesse de certaines touches, appartient à cette génération d’écrivains de tempérament spiritualiste, pour qui les choses n’ont d’autre valeur et d’autre intérêt que ceux que leur donne l’âme humaine, et je lui en fais mon compliment, car ces écrivains-là sont dans la vérité. Seulement, par cela même, il est très-peu apte à manier cette grossièreté matérielle que l’on appelle le roman d’aventures, et, certes, il y a une manière de l’entendre, ce roman-là, qui n’est celle ni de l’auteur des Mousquetaires adoré des bourgeois, ni de ce Casanova, autre romancier d’aventures, quoiqu’il se soit donné comme un historien, et que le prince de Ligne avait appelé Aventuros.

La manière de M. Deltuf se rapprocherait beaucoup plus de la manière de Marivaux, dont les grandes aventures sont, comme l’on sait, des battements de cœur, accélérés par une vanité plus ou moins piquante. Cette manière, que l’on croyait enterrée à cent pieds sous terre avec les frivolités et les parfilages du dix-huitième