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chacune ; ce qui fait cinq raretés, si je sais bien compter ! Or cinq pensées, tombées de l’esprit d’un homme ou du sein d’une femme et nouées ensemble, c’est là un bouquet bien fragile, qui peut être vite écrasé et disparaître sous les mille pieds de l’animal aux têtes frivoles, comme dit La Fontaine. Les têtes frivoles ont les pieds si lourds !


II

Et d’abord, ce livre, qui porte le titre d’Aventures parisiennes, n’est nullement un livre d’aventures, Dieu merci ! Pourquoi son auteur, M. Deltuf, l’a-t-il si mal nommé ?… Est-ce là une enseigne peinte en rouge pour le gros public qui aime les aventures et leurs fracas, et leurs falbalas, et leurs patatras ? Si cela est, la faute de goût a été punie, car les Aventures parisiennes n’ont pas fait plus de bruit que si elles s’étaient appelées Nuances du cœur, qui était peut-être leur vrai nom. Que si, au contraire, ce titre d’Aventures parisiennes donné à un livre d’observation d’intérieur, de coin du feu, de sentiment raffiné, est une ironie détournée contre cette société devenue si uniformément plate à force de civilisation, et dans laquelle chacun de nous n’a plus d’autres aventures à courir que dans les deux pouces cachés de son propre cœur, elle est vraiment trop détournée, cette ironie ; c’est là une intention qui ne sera pas aperçue, et l’auteur aura manqué son trait, comme le joueur