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n’existe qu’à Paris, et encore à cinq ou six places dans Paris, entre quinze cents drôles et quinze cents drôlesses à peu près, le dix-neuvième siècle qui, par ses affinités et ses ressemblances morales avec le dix-huitième siècle, attire le plus l’imagination de MM. de Goncourt. Cependant, il faut bien l’avouer, comme ce dix-neuvième siècle-là est dans l’autre, — dans le sérieux, l’honnête, l’élevé, — nous n’avons pas le bégueulisme de l’interdire au romancier qui veut l’aborder et le peindre : la règle, pour nous, de toute poétique, de toute observation, de toute étude et même de toute langue, étant que tout ce qui est doit être exprimé, MM. de Goncourt pouvaient donc préférer à l’autre ce dix-neuvième siècle. Ils en avaient le droit… Seulement il faut porter dans les sujets bas des facultés d’autant plus hautes qu’ils sont plus bas, et que l’idéal dans le laid et dans le mauvais est aussi difficile à atteindre que dans le beau et dans le bon, et peut-être qu’il l’est beaucoup plus.


II

Est-ce cet idéal que MM. de Goncourt ont atteint ?… Les Hommes de lettres, voilà le titre de leur roman ! Titre qui menace, mais qui oblige. Les hommes de lettres, c’est là tout un monde, — le monde de l’esprit, le plus difficile à manier et le plus dangereux. Les Hommes de lettres de MM. de Goncourt ne sont ni vous, — ni moi, j’espère, — ni certainement eux, MM. de Goncourt. Ce sont quelques bandits de lettres, quelques sots