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plus récalcitrants, les plus lourds à soulever, les plus attachés à la terre, et qui fait jouer un jour, et qui qu’en grogne, sa tragédie devant dix villages rassemblés ! Dès les premières pages de ce roman, qui marche toujours et ne s’arrête qu’à la dernière, le développement du caractère d’Espérit et celui des faits et des épisodes sont congénères. Or, ces faits et ces épisodes sont nombreux ; c’est la lutte engagée par Espérit contre tous les obstacles, qui amène devant le regard les événements et les personnages.

Doué de facultés très-dramatiques, sachant s’effacer, cette chose difficile, car l’esprit est égoïste comme le cœur, et ne procédant nullement à la manière des romanciers contemporains, qui entassent les descriptions, les paysages et les portraits, dans une ivresse de plastique qui est une maladie littéraire du temps, M. de La Madelène ne fait guères de portraits qu’en quelques traits, quand il en fait, et chez lui, c’est l’action et le dialogue qui peignent le personnage, le dialogue surtout, que M. de La Madelène a élevé à un rare degré de perfection. Tragique ou comique (et quelquefois du plus profond comique), ce dialogue est celui d’un homme qui a mieux que l’instinct de la grande langue que le théâtre doit parler et de ses concisions sévères. Peut-être l’auteur du Marquis des Saffras trouverait-il par là une glorieuse voie, mais, d’un autre côté, dans un pays où le théâtre a une législation si étroite et si dure, M. de La Madelène doit-il rester dans le roman pour conserver toute son acuité de moraliste, et, comme peintre de mœurs, toute son ampleur d’observation !

Car c’est là qu’il est important de revenir. L’auteur du