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Sur un pivot, tournait en métal creux un ange, portant à l’écusson un saint clou et sonnant de la trompette quand la bise se levait. Cette bicoque était connue dans le pays sous le nom du Château des Saffras, et de là le titre de Marquis des Saffras que l’on donnait à Espérit. »

Ces détails, nous les avons transcrits, au risque de paraître long, tels qu’on les trouve aux premières pages du livre de M. de La Madelène, parce qu’ils ne sont pas, comme on pourrait le croire, les inventions d’une fantaisie, qui ne sait où elle va, mais parce qu’ils ont une raison d’être dans l’idée première de ce roman très-combiné et très-réfléchi. Cette maison d’Espérit est en effet tout Espérit, qui est lui-même tout le roman. Elle est l’industrie et l’art en enfance, dans la pensée et sous la main de cet homme plongé encore dans la gaine du paysan, mais qui s’en détire comme le lion de Milton de son argile, et qui respire à pleines narines la civilisation qui s’en vient vers son pays et pour laquelle il est plus fait que les autres hommes qui l’entourent.

Placé sur la frontière des deux mondes, Espérit (nous aimons ce nom presque symbolique), est, de fait, l’esprit même, l’intuition, le pressentiment, la vie plus haut, l’art et ses divinations. M. de La Madelène a fait de son héros un inventeur. Pour ces populations auxquelles il est mêlé, pour ces gens de la plaine et de la montagne, c’est un sorcier, si ce n’est pas un fou, c’est un timbré, comme on dit parfois, quand l’esprit a frappé trop fort sur le cerveau d’un homme. Ils l’appellent l’esprit de la lune, l’espérit des ciales, et même l’évêque des cigales, les jours où ils l’aiment