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III

Le livre du Marquis des Saffras a donc sur Les Paysans de Balzac, auxquels nous ne nous permettrons pas de le comparer pour la manière, qui est essentiellement différente, la supériorité d’une peinture sans exagération et sans outrance, prise dans la mesure juste de son cadre et dans la réalité. Ce n’est pourtant pas une peinture sobre, c’est une peinture qui a, au contraire, son opulence, mais fondue dans une harmonie. Les paysans dont le beau roman de M. de La Madelène fait l’histoire sont, nous l’avons dit déjà, ces robustes et lestes paysans du Midi, bruyants, extérieurs, ivres de leur force, têtes de poudre et de foudre, capables de tout dans un moment donné, et dont la gaieté est une turbulence encore.

Ces enfants gâtés du soleil et souvent terribles, M. de La Madelène les a fait vivre tels qu’ils sont, non pas seulement dans leur vie domestique et de foyer, mais dans leur vie collective, leur vie d’assemblée, d’émeute, de farandoles et de batailles, car le plein air, le dehors, la place publique, sont pour eux bien plus le foyer que le coin du feu de la maison ; il nous les a montrés en plein dix-neuvième siècle et à cette heure du dix-neuvième siècle, dominés par l’incoercible élément méridional, qui leur donne encore la physionomie des ancêtres ; par ce caractère héréditaire et local que la poussière humaine ne perd que le dernier, et qui se révolte avec tant d’énergie sous l’émiettant et l’aplanissant