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sublime du cabaret, la gouaille à écuellées, les gros mots hardis qui n’ont peur de rien, quand il s’agit d’être remuant et pittoresque ; le gros sel, le sel bourguignon qu’il jette à poignées, d’ici, de là, mais plus cristallisé, plus diamanté et qui, en salant tout autant, étincelle davantage ! Il en a, en deux mots, tout cet esprit vivant et cordial et qu’on aime, quand on est Gaulois ou même Franc, mais il l’a poussé presque de l’ampleur étoffée de Diderot jusqu’au grandiose de Rabelais, avec le dictionnaire accumulé et splendide du dix-neuvième siècle !

Tel est aujourd’hui M. Jules Janin. Ce n’est pas mal, n’est-ce pas ? et c’est vrai ! Ce n’est pas mal pour un homme que l’on croyait perdu et qui s’était figé à traduire Horace, qui s’y était endormi, qui somnolait et ne se réveillait que le temps d’un feuilleton ; d’ailleurs trop heureux pour avoir du talent encore, de ce talent qui suppose des entrailles, du cerveau, de l’inspiration, de la chaleur et de la longueur dans l’haleine, et qui se réveille aujourd’hui très-dispos, pour faire un livre et un chef-d’œuvre.

Dieu soit béni, la chose est faite, comme je le dis. Nous avons un livre charmant et puissant dont les défauts (car il a des défauts, et je les connais bien) viennent non d’indigence, mais de plénitude. Nous avons un Neveu de Rameau qui nous maigrit l’autre Neveu, s’il ne nous l’efface pas tout à fait. Nous avons un Diderot, sans le pédantisme, sans le matérialisme du philosophe Diderot, un Diderot… rien qu’éloquence et poésie !

Certes, après un pareil livre, auquel on s’attendait si