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Janin, et ce monde qui fut la plus puissante des monarchies, craque, éclate et croule de toutes parts, en des épisodes comme l’histoire superbe des trois filles du marquis de Nesle, et cet homme qui meurt avec ce monde c’est le Neveu de Rameau, souffleté d’abord et tué ensuite de la main de son fils, dont lui-même a fait un parricide !

Et ce n’est pas tout que cette supériorité de composition dans ce livre de La Fin d’un Monde et du Neveu de Rameau ; ce n’est pas tout que l’expression tragique et comique à la fois donnée à cette grande figure du Neveu de Rameau, laquelle monte parfois jusqu’à l’épique dans le livre de M. Janin ; ce n’est pas tout que la vérité des détails et la beauté des épisodes pour faire conclure à la Critique que M. Jules Janin l’emporte et de beaucoup, sur Diderot, en cette œuvre dont il lui doit l’idée. Par le style aussi, par la langue, par l’esprit, il l’emporte encore.

Il a bien toutes les qualités de l’esprit, de la langue, du style de Diderot ; mais il les a exaltées, idéalisées, transcendantes… Par là, il est encore plus grand que son origine, car, je l’ai dit, il vient en ligne droite de Diderot ; seulement il a allumé un peu plus la physionomie déjà passionnée de son père. Où Diderot n’est que pourpre, il est écarlate. Où Diderot est écarlate, il est rouge à blanc, et son feu devient de la lumière.

C’est Diderot, et c’est plus que Diderot ! Il en a la verve enragée, mais bien plus soutenue ; la bonhomie charmante, mais non plus si bourgeoise et tout autant bonhomie. Il en a la langue immense, enthousiaste, éloquente, lyrique, à rires sonores, à larges larmes, l’engueulement