Page:Barbey d’Aurevilly - Les Romanciers, 1865.djvu/182

Cette page n’a pas encore été corrigée

Et je vais plus loin. En présence de cette Fin du Neveu de Rameau, j’ai relu le Neveu de Rameau lui-même, et j’ai trouvé l’invention, si brillante déjà, de Diderot, moins splendide que la continuation qu’en a faite M. Jules Janin. Pour moi, je l’avoue, voilà l’étonnement et voilà l’extraordinaire ! Je connais quelque chose de très-beau en littérature, et même ce qu’il y a de plus beau, la chose sans laquelle il n’y a point de génie. Je connais l’originalité. Je connais aussi la chose, au contraire, avec laquelle il n’y a jamais de génie, mais avec laquelle il y a souvent beaucoup d’art et de profondeur. Je connais l’imitation. Mais je ne connaissais pas l’étrange faculté d’être un autre que soi, sans imitation, et de monter, à force de sève et en vertu d’un tempérament particulier, jusqu’au niveau d’une grande originalité, et même au-dessus !

Or, c’est de cela qu’il retourne aujourd’hui dans La Fin d’un Monde et du Neveu de Rameau. M. Jules Janin, qui me fait l’effet d’être plus Diderot que Diderot dans ce livre inspiré par Diderot, est bien plus, dans ce livre, qu’un imitateur. Un imitateur, c’est toujours plus ou moins un comédien qui se grime, qui se cherche, à travers ses organes, une physionomie ou un accent qui ne viennent pas de ces organes, et qui arrive à des résultats combinés, par de la volonté et de l’étude. Mais M. Janin a, lui, une intimité de rapport, une identification de ressemblance, une intensité d’interprétation que n’ont pas d’ordinaire les imitateurs.

Et cependant, il n’est pas pour cela, et il est impossible de le croire, une originalité pure, une spontanéité,