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vrages, est, dans l’ordre du roman, ce que les mélodramaturges sont dans l’ordre du drame, et ils ont beau tresser et tordre, dans les implications et les complications de leur œuvre, les événements, les incidents, les péripéties, les surprises ; les mélodramaturges du roman, comme ceux du drame, n’en sont pas moins obligés, dans une mesure quelconque, à la passion, sous peine de n’être plus que des joueurs d’échecs ou de casse-têtes chinois littéraires. M. Paul Féval n’a jamais décliné cette loi. Fils de ce romantisme qui, en passant, a laissé partout une lave incandescente de vie qu’on n’éteindra plus, M. Féval ne procède jamais à la manière incolore de ce pauvre diable de Le Sage, à peu près poétique comme son nom, mais il n’en trouble pas moins la hiérarchie des choses, dans son système de roman, en mettant en premier l’intérêt des événements, qui devrait être le second, et en second, l’intérêt des sentiments, qui est certainement le premier…

Et ne croyez pas qu’il n’en ait pas l’intelligence ! J’ai dit que je signalerais les qualités de M. Féval. L’une de ses meilleures est celle-là. Dans l’espèce de roman dont il est victime, dans ce roman à tiroirs et à double fond, dans lequel il renferme des facultés assez vives pour faire sauter tout cela (le feront-elles un jour ?) et pour arriver à la simplicité du plan, au rhythme aisé du récit, à la concision savante, à la mesure, à l’ordre lucide, à ce fini dans l’art que Platon appelait, avec une justesse si exquise, une rondeur, M. Féval montre souvent de la passion vraie, de l’observation acérée, de l’invention de bon aloi ; mais toutes ces facultés ne sont pas sa faculté pre-