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ce livre que de la force individuelle du romancier qui l’a écrit, nous devons dire que ce roman en révélait une prodigieuse, et qui même ne nous a pas tenu tout ce qu’elle nous avait promis. Pour nous donc, le succès d’Eugène Sue dans ses Mystères de Paris, qui produisirent Les Mystères de Londres, paraît être la circonstance qui précipita l’esprit de M. P. Féval du haut de sa vocation réelle vers un genre de composition qu’il aurait dédaigné, s’il avait été plus mûr et plus mâle, et peut-être aussi faut-il y ajouter une vieille et tenace admiration d’école pour un autre célèbre roman d’aventure qu’on s’étonne qu’il ait conservée, mais dont il nous a donné tout récemment la preuve, en intitulant un de ses derniers ouvrages : Madame Gil Blas.


III


En effet, de tous les romans d’aventure, celui-là qui s’appelle Gil Blas passe, à tort ou à raison, pour un parangon sans égal. Gil Blas est respecté non-seulement comme le chef-d’œuvre du roman et le génie du roman au dix-huitième siècle, mais comme un chef-d’œuvre de l’esprit humain, et une telle opinion ne m’étonne pas, venant, comme elle en vient, du dix-huitième siècle… Pour mon compte, cela ne m’étonne nullement que le siècle qui admira cette brillante canaille de Casanova, d’Aventuros Casanova, comme l’appelait le prince de Ligne, ait trouvé Gil Blas une œuvre charmante et sublime. Un siècle sé-