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qui mettent une main protectrice sur quelque jeune épaule qui ne les soutient pas et qu’ils décorent. Il s’est donné le luxe d’un pouvoir vieillissant, car enfin il n’a pas dû chercher un appui ! son favori a été M. Feydeau. Dans une déclaration publique et solennelle, il s’est fait son parrain littéraire. M. Feydeau est un nouveau-né dans la littérature. Déjà M. Sainte-Beuve l’avait ondoyé sur le front byronien de Daniel, mais aujourd’hui il l’a tenu sur les fonts de baptême de la publicité, dans la personne de Catherine d’Overmeire, et il a répondu, à haute et intelligible voix, de son talent devant les hommes et devant Dieu.

Personne ne se serait douté assurément de ce goût de paternité spirituelle et d’adoption de M. Sainte-Beuve. On lui avait bien, dans le temps, reproché d’aimer à ressusciter des morts oubliés, et j’avoue même que, sur ce point, il avait fait de vrais miracles ; mais il n’avait été jusque-là que simple thaumaturge. Excusez du peu ! Or, sans nul doute, qui peut le plus peut le moins : le voici paternel ! Il a créé M. Feydeau, non pas de rien, comme la plus fine fleur des favoris, qui doivent être faits de rien… comme le monde, car M. Feydeau (et c’est là son côté inférieur comme favori ) existait certainement avant que M. Sainte-Beuve eût soufflé dessus. Il avait une existence et une surface. Il avait publié Fanny, que je m’obstine à appeler, moi, malgré les défauts que j’y signalai, le meilleur de ses ouvrages, quoiqu’il fût son petit premier.

Comme les parrains sont souvent des parents, peut-être même est-ce par la parenté qu’il faut expliquer le parrainage de M. Sainte-Beuve. Il est force bons