Page:Barbey d’Aurevilly - Les Romanciers, 1865.djvu/15

Cette page n’a pas encore été corrigée


PRÉFACE


De toutes les œuvres que nous passons en revue dans cet ouvrage, la plus généralement intéressante, la plus actuelle, l’œuvre qu’on pourra spécialement appeler un jour l’œuvre même du XIXe siècle est celle où nous voici arrivés. C’est le roman… Et quand je dis la plus généralement intéressante, je prie bien que l’on pèse mes paroles et qu’on n’en exagère pas la portée. Je n’entends nullement dire par là que le roman ait détrôné les autres œuvres de l’esprit humain, et leur ait ravi l’attention publique. La Poésie, l’Histoire et la Philosophie n’ont point, certes, perdu le rang qu’elles ont toujours tenu dans l’imagination ou la raison des hommes, et il est évident qu’elles le garderont. Mais il n’en est pas moins certain que le Roman, production toute moderne, a pris en ces dernières années une importance et un développement extraordinaires, qu’aucune forme littéraire n’a plus à un égal degré. Ce que, par exemple, le Sonnet fut au XVIe siècle, ce que la Tragédie fut du XVIIe siècle jusque dans les quinze premières du XIXe [1], le Roman l’est devenu à cette heure. Autrefois, si on se le rappelle, tout bambin, fait ou non pour les lettres, risquait sa tragédie.

  1. On n’a rien à dire ici du Drame romantique, le drame de MM. Victor Hugo et Alexandre Dumas, cet effort de 1830, prouve l’importance séculaire de la tragédie. Ce n’est qu’une réaction contre elle. On ne fait jamais des révolutions que contre des gouvernements.