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a mis le mariage plus haut, que ses institutions, puisqu’elle en a fait un sacrement. Jamais épigraphe ne fut donc plus antisociale et plus impie. Né dans la bauge du XVIIIe siècle, le malheureux qui a écrit cette opinion animale pensait peut-être à couvrir de cette orgueilleuse généralité le déshonneur de sa mère, et si cela fut, voilà son excuse !

Mais M. Feydeau n’est pas Chamfort. Il a sur les idées un siècle de plus. Assez intelligent, à ce qu’il semble, pour dépasser, comme les moins grands d’entre nous, les doctrines méprisées présentement du Contrat social, il n’est pas fait pour retourner tête basse à cette doctrine de marcassin et de glands tombés, qu’on appelle le naturalisme, pour appeler d’un nom propre des choses qui ne le sont pas. Or, c’est ce qu’il fait aujourd’hui. Le monsieur Feydeau de Daniel contredit hautement le monsieur Feydeau de Fanny. Enfant gâté qui, comme tous les enfants gâtés, a l’esprit de contradiction et le porte en toutes choses, il a entendu dire à la Critique que peut-être il sera moral demain, et il est remonté vers son immoralité de la veille, indifférent à tout, si ce n’est au jeu même de ses facultés.

Et ce qui, en morale, est arrivé à M. Ernest Feydeau, lui arrive aussi en littérature, car l’homme est d’une unité effrayante, et là comme ailleurs le pur génie de la conscience a cédé au génie troublé, agité, orageux, de la contradiction. L’auteur de Fanny avait été accusé naguère d’appartenir au réalisme, non pas au réalisme du fond de la tonne, mais de la surface et des bords, et probablement humilié (et on le conçoit) d’être la fleur d’un pareil panier, il a voulu montrer