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aura ménagé à son héroïne une excuse, il a diminué le mépris pour elle, et rendu plus probable la lâcheté de sa trahison. Mais, dans tous les cas, et quelle qu’ait été sa pensée, il a manqué de profondeur. Fanny devait retourner à son mari, parce qu’il était son mari, voilà tout, par l’inévitable nature des choses, et nous n’avions pas besoin de cette goutte d’un sang corrompu pour l’expliquer. Il eût été plus beau, et d’une vérité bien autrement fière, de montrer qu’on ne se démarie pas, et que le mariage est d’essence indissoluble, et plus fort que toutes les révoltes du cœur et ses imbéciles divorces ! Les amants ressemblent aux gouvernements provisoires des révolutions. Ils sont les exécuteurs des hautes œuvres de l’autorité légitime et méconnue. Mais les révolutions ne peuvent pas toujours durer ; et ce qui ramène les sociétés au pouvoir ramène les femmes à leurs époux. C’est la même loi.

Malheureusement, l’auteur de Fanny n’a pas la notion du mariage, nous l’avons dit, et il faut le lui répéter ! Si le mariage est une alcôve, c’est bien peu, et les douleurs de l’adultère méritent plus de mépris que de pitié ; mais si c’est un sacrement, prenons garde ! tout va grandir et se surnaturaliser, même pour l’observation et l’art. Voilà ce qu’il faut redire sur tous les tons à un homme de talent comme M. Feydeau. Il était fait pour plus que pour creuser une situation, quoiqu’il l’ait bien creusée. Il ne devait pas apporter seulement un flambeau au pied d’un tableau et s’en aller après. Il devait montrer que le libertinage est au mariage ce que la métempsychose est à l’immortalité, et conclure bravement que,