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Tel n’a point fait l’auteur de Fanny. Il n’a pas abattu dans leur péché des êtres sublimes. Fanny, dans son livre, est au fond aussi vulgaire que son amant. Les détails physiques, l’élégance, la civilisation raffinée, toutes ces choses ne nous troublent pas. Peu nous importent les descriptions plus ou moins réussies de cette femme qui ressemble à un portrait de Rubens : ce que nous cherchons en elle, comme dans son amant, c’est l’étincelle divine, la notion morale, et elle n’est pas plus dans l’une que dans l’autre. Ces gens-là ne tombent pas de haut !

Dans la composition du livre, très-inférieure de ce côté, il n’y a point de passé derrière les deux amants que l’auteur met en scène, et il les prend du pied même de leur intimité ; mais on ne sait qu’une chose, c’est leur vie commune. Comment se sont-ils rencontrés ? Cette femme coupable a-t-elle résisté ? Ces questions, dont la solution importe, M. Feydeau les laisse dans l’esprit de son lecteur sans y répondre, pour peindre un bonheur du sein duquel il va lancer le tonnerre de la péripétie, qui doit changer ce bonheur en supplice par l’intervention très-naturelle du mari.

Il le décrit donc ce bonheur, et nous l’avons dit, ce n’est qu’une vignette, — une vignette à la Tony Johannot, — mais dont la grâce, malheureusement, n’est plus très-neuve. Nous connaissons trop les détails de ce pauvre bonheur qui se cache dans un appartement de garçon, dont on nous donne assez bourgeoisement l’inventaire, pour que M. Feydeau soit dispensé de regarder dans le cœur de ses amants et d’y chercher ce qui s’y passe ; mais le physique du