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roman. Seulement, comment s’expliquer qu’un esprit accoutumé aux mâles recherches, sur lesquelles s’élève l’histoire, en écrivant sur l’adultère, ne nous ait donné qu’une étude à vif sur une âme de petit calibre d’ailleurs, et n’ait pas vu plus haut que le niveau du cœur déchiré de son misérable héros ?

Voilà la question que nous proposons, nous, au milieu des éloges de toute sorte que la Critique a donnés sans marchander à M. Feydeau. La critique naturaliste, qui analyse la passion d’un livre et sa vérité de cœur, a exalté l’auteur de Fanny outre mesure, et cela devait être. Pour elle, il est fort, il est sensible, douloureux, ensanglanté. Son livre a le pathétique de la passion blessée ; mais il y a une critique qui doit passer avant le naturalisme de Goëthe, fût-il pratiqué par M. Sainte-Beuve, c’est la critique morale. L’autre, la critique littéraire, ne doit venir qu’après.


II

Eh bien ! devant la critique morale, M. Ernest Feydeau n’est pas si grand que son sujet. Son sujet, s’il l’avait compris avec la hauteur et l’impartialité d’un maître, était encore plus le mariage que l’adultère, et, par un reste d’influence de ce temps auquel il s’arrache, pour M. Feydeau, ç’a été le contraire : au lieu de voir le mariage à travers l’adultère, il n’a vu que l’adultère dans l’adultère, et tel a été tout son sujet. L’auteur de Fanny n’a pas pensé à la question sociale