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et, après plusieurs virements et revirements de la vanité à l’amour, finit par l’épouser un matin. Renée n’aime point son mari Paul. Elle n’aime que ses portraits de famille. Paul, le gros garçon, n’est pas un héros. Il est fait pour très-bien empoter et dépoter des résédas à sa femme, si sa femme aimait les résédas !

Or, c’est au moment où il va se livrer en paix à cette occupation salubre et charmante, que la guerre finie se rallume en Bretagne et que Renée y pousse son faible époux. Pour être un imbécile, il n’en est pas moins brave, et il s’y fait très-correctement tuer. Il meurt des suites de ses blessures, et ses derniers regards, ses dernières caresses sont pour la fille que Dieu lui donne et que Renée prend en antipathie, parce que cette fille n’est pas un garçon. C’est ici, à proprement parler, que commence le roman de M. Sandeau. Le reste n’est que préparatifs et accessoires. Le vis-à-vis de la mère qui n’aime pas sa fille et de la fille qui ne se sent pas aimée par sa mère, voilà tout l’intérêt du livre, et la nuée sombre d’où doit sortir la foudre qui frappera cette mère aux mamelles de bronze, l’altière marquise de Penarvan. Qui doute que cette enfant, qui a toujours froid, parce que sa mère ne l’aime pas, ne se prenne bientôt de passion pour un homme ayant toutes les qualités, excepté de n’être pas gentilhomme, comme le gendre de M. Jourdain, et qu’elle ne l’épouse hardiment le jour de sa majorité ?… La marquise prend le deuil ce jour-là, et se prépare à mourir dans l’isolement farouche où elle va traîner sa vieillesse. Trois ans se passent. La fille, heureuse par toutes les fortunes du mariage, sent