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au marché et tendent leur chapeau pour jouer des opéras que peut-être l’on n’a pas faits; où, de la littérature et de l’art, on ne veut que ce qui rapporte à la vanité ou à la sordidité plus basse encore; n’invente-t-on pas chaque jour mille nonchalantes raisons, plus lâches les unes que les autres, pour chloroformer la Critique ? Rien n’est plus ordinaire ni plus curieux. Si c’est une femme qui a fait un mauvais livre, au lieu de faire de bonnes confitures : « Pourquoi tant de cruauté pour une pauvre femme ?... » dit chevaleresquement le premier niais sentimental ; et ne vous y méprenez pas, ce premier niais sentimental, c’est tout le monde! « Pourquoi — si c’est M. Véron, ce Tallemant des Réaux en creux, qui nous donne les Mémoires d’un Bourgeois de Paris, — pourquoi vous acharnez-vous sur un vieillard ? » Et si c’est un homme célèbre qui baisse de génie, mais qui écrit toujours : « Pourquoi insultez-vous aux gloires de la France ? » Et c’est ainsi que toujours et partout, et à tout coup, c’est une nouvelle raison pour supprimer la vérité de ce monde et faire de la Critique, cette rude vierge, la cocotte du genre humain ! « Qu ’est-ce que cela vous fait, mon cher ami, qu’il y ait un mauvais livre de plus ? » disent ceux-là pour qui les livres ne représentent absolument rien. « Est-ce que des relations qui conduisent à l’agrément ou à la fortune, des relations qu’on peut se faire si aisé-