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M. SAINTE-BEUVE

M. Sainte-Beuve est fin, mais on l’a dit de M. de Rémusat ! Il est cauteleux, conséquence de sa finesse, et il embrouille et embarbouille son talent de réserves, de sous-entendus, d’insinuations prudentes ou perfides, de précautions chattemites et traîtresses. Il a inventé les peut-être, les il me semble, les on pourrait dire, les me serait-il permis de penser, etc., locutions abominables, qui sont la petite vérole de son style… Ah ! cela ne m’étonne pas qu’athéisme à part (qu’il ne met jamais à part) il aime M. Renan ! M. Renan lui renvoie son image. Il se reconnaît en le regardant, et il se fait à lui-même des politesses, quand il le loue ; M. Renan, comme M. Sainte-Beuve, s’enveloppe de peut-être et ils sont tous deux des Locustes au miel. Seulement M. Renan est un Sainte-Beuve plus froid… froid comme l’impénitence finale, comme le prêtre qui a perdu la foi et dont le châtiment terrible est