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mugissement d’airain qu’il a sous lui et qui lui remonte au cerveau ! Si on ouvrait celui de Hugo, on le trouverait peut-être noyé dans des mots. Seulement, cette imagination verbale, qu’il possède à un si étonnant degré, est comme toutes les grandes puissances, qui tournent à mal et à vice. Il s’abandonne à elle et elle le perd. C’est cette imagination, devenue funeste, qui lui fait, à toute page, entasser les mots sur les mots et sur les idées que ces mots étouffent. C’est cette imagination qui lui fait allonger démesurément ces fatigantes et brisantes énumérations sur la claie desquelles il nous traîne par tous les chemins de ses Légendes et qui est le caractère de ses poésies, excessives seulement dans les mots et toujours trop longues de moitié.

III

Je l’affirme donc avec sécurité, voilà le défaut de cette cuirasse d’or : l’imagination dans les choses ne s’équilibrant pas avec l’imagination dans les mots. Et c’est par ce manque d’équilibre que la Critique peut le mieux expliquer synthétiquement le genre de génie de Victor Hugo. L’équilibre ! Il en a même une très