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avec lesquelles nous croyions en avoir fini pour passer à d’autres tableaux, ne recommencent pas trait pour trait ici, mais moins appuyés, et toute l’imagination des mots dont le poète a la puissance nous illusionne-t-elle assez pour nous faire accepter comme une inspiration neuve la desserte d’un repas déjà servi, et qui, comme Macbeth, nous a rassasiés d’horreurs ? Nous nous souvenons que nous avons, pas bien longtemps auparavant, assisté à ces évocations grandioses, à ces fantasmagories formidables, affaiblies maintenant, pâlies, devenues fantômes dans le jour lumineux de l’énergique souvenir que nous en avions gardé. La magie des mots n’empêche pas le déchet des choses… Elle n’en comble pas l’absence non plus. Dans la légende de ce Moyen Age dont Hugo, qui a l’ambition d’être le poète historique, c’est-à-dire impersonnel, ne connaît guère que la moitié, ces choses que j’avais signalées comme oubliées dans les premiers volumes de la Légende des Siècles sont également oubliées dans les secondes. Il n’y a, ici comme là, ni le côté grandement chrétien, ni les bons Évêques, ni les Saints, ni les Héros comme Saint Louis et Joinville… Le Cid lui-même, qui tient tant de place dans le Romancero du second de ces deux volumes, est bien plus féodal que catholique de mœurs et d’accent, ce qui est faux historiquement, mais ce qui, de plus, est un contresens en Espagne. Et il y a plus. Puisque Victor Hugo est le poète imprécatoire et maudissant du Moyen